Depuis deux décennies, elle milite pour l’information et la connaissance des droits des femmes. L’année dernière, elle avait décidé d’internationaliser son éternel combat féministe en ouvrant un bureau à Paris. Elle travaille depuis 2008, avec la réalisation de Dar El Insania (centre d’accueil provisoire des femmes en précarité sociale), en étroite collaboration avec les services d’action sociale, la justice et différents secteurs et parties ayant trait à la prise en charge des femmes violentées.

– Vous êtes connue pour votre engagement pour la protection sous toutes ses formes de la femme. Quel constat faites-vous aujourd’hui du statut de la femme algérienne ?

Si l’on peut dire que le statut de la femme a connu des avancées dans certains de ses droits, il n’en demeure pas moins que d’autres questions restent en suspens, telle celle du divorce qui demeure la volonté unilatérale du mari. Ce qui pousse la femme à aller au seul recours qui lui reste, le kholâa. On craint que ce dernier risque de disparaître du code de la famille, car certains néoconservateurs considèrent que la femme use et abuse de cette seule porte de sortie qui lui permet de retrouver ou de racheter sa liberté.

Une autre question cruciale demeure en cas de divorce. La femme, qui a automatiquement la garde de ses enfants, se voit privée de cette garde si elle se remarie, ce qui n’est pas le cas pour l’époux. Signalons aussi que le père des enfants, dans la grande majorité des cas, ne s’acquitte pas de la pension exigée par la loi pour subvenir aux besoins de ses enfants dont la mère a la garde après le divorce.

– Et sur le plan de l’héritage ?

L’héritage est une autre question plus douloureuse et discriminatoire. Lors du décès du mari, des pressions s’exercent sur la femme par certains héritiers de la famille du défunt qui veulent la déposséder sous prétexte que, selon la charia, ils ont droit de jouir de leur nassib (part) quelles qu’en soient les conséquences pour la veuve. Aussi, les droits des mères célibataires sont bafoués, sans parler de celles excommuniées par la société et les mentalités rétrogrades.

– L’Algérienne est-elle marginalisée en matière d’accès aux postes de décision ?

Les femmes sont très marginalisées dans ce sens, notamment celles qui ont des compétences avérées. La cooptation demeure, encore de nos jours, la seule possibilité de voir des femmes walis, ambassadrices, ministres ou même directeur général d’entreprise. C’est dire que la légalité en droit est encore un vain mot.

A mon sens, les femmes restent non protégées tant qu’il n’y a pas de législation forte et sérieusement appliquée dans les faits. Par ailleurs, on a fait du 8 Mars dans notre pays une journée folklorique avec un après-midi de congé, ce qui n’existe pas ailleurs, car la Journée internationale de la femme est une occasion de revendication des droits encore bafoués dans le monde du travail ou même en politique.

– Pensez-vous que la législation est assez protectrice de la femme algérienne contre la violence ?

Je le dis et je le répéterais autant de fois qu’il le faut. Aucune loi n’est assez protectrice concernant la vie d’une femme, son handicap, sa protection ou celle de ses enfants. Ils restent toujours des inconnues que la loi n’a pas cernés. Cependant, la loi votée à l’APN et au Sénat va être dissuasive et permettra ainsi à la famille de se construire sur un principe d’égalité et de respect. Les enfants seront épargnés de tous les désarrois, de toutes les scènes de violences familiales et la société ira ainsi vers plus de sérénité, de plénitude.

A travers notre expérience de la gestion des violences faites aux femmes, AFAD a toujours œuvré pour la médiation avec les réseaux primaires qu’est la famille pour lever l’urgence à travers l’écoute et l’orientation de ces femmes pour pallier aux premières violences, passer les moments de traumatisme… Le reste dépend de la femme, qui doit avoir comme leitmotiv le «compter sur soi», se former, trouver un emploi, un projet de vie… L’autonomie financière est une de ses portes de sortie. Le reste est le plus important à mon sens, car il relève des missions de l’Etat.